Ay-O, un artiste arc-en-ciel venu du pays du soleil levant

par RainbowGirl

Né en 1931 dans la préfecture d’Ibaraki, Takao Iijima adopte le pseudonyme Ay-O (靉嘔 Ai Ō), fruit de syllabes aimées (« A », « I », « O ») qu’il érige en symbole personnel. Il se forme à l’Université d’Éducation de Tokyo et décroche une licence en arts en 1954. Il cofonde plusieurs collectifs d’avant-garde japonais, dont Democrato, sous l’égide de Ei-Q, prônant une création artistique libre de hiérarchie, afin de sortir du modèle confucianique maître-élève. En 1958, il s’installe à New York où, grâce à Yoko Ono, il intègre le mouvement international néo-dadaïste Fluxus.

Dès les années 1960, il déploie l’arc-en-ciel : non comme une juxtaposition, mais en tant que gradation continue, une couleur indivisible en elle-même. Certains de ces tableaux comptent jusqu’à 192 nuances.

Ay-o - Rainbow night 8 (1971)

Le manifeste arc-en-ciel (Rainbow Manifesto) qu’il publie en 1966 n’est pas une quête de nouveauté, mais une réinterprétation multiréelle — il s’agit d’activer des perceptions nouvelles à travers la couleur

Le Rainbow Tactile Room, conçu pour la Biennale de Venise (1966) et l’Exposition Universelle d’Osaka (1970), incarne son ambition immersive : les visiteurs sont enveloppés par cette matière chromatique à vivre et toucher.

Ay-o - Rainbow tactile room à la biennale de Venise

Il réinterprète des œuvres naïves américaines, comme celles de Rousseau, en versions arc-en-ciel baptisées Nashville Skyline (1971)

Ay-o - Nashville Skyline

En 1987, sa série Rainbow Happenings atteint une dimension spectaculaire : le ruban arc-en-ciel de 300 mètres de long et de et de 5 mètres de large qu’il déploie sur la Tour Eiffel est qualifié à l’époque de « plus grand drapeau du monde ».

Il commence souvent avec environ 24 couleurs, puis multiplie les nuances jusqu’à 198 gradations dans ses sérigraphies, posant chaque pigment en couches successives — une technique lente et maîtrisée, parfois longue de plusieurs mois par tirage.

Ay-O - Transparent bird C

Pour lui, l’art est à diffuser largement : la gravure et la sérigraphie offrent un médium idéal, permettant la reproduction de l’arc-en-ciel à grande échelle, fidèle à l’esprit démocratique de Fluxus.

Ses œuvres figurent dans d’importantes collections, telles que celles du MoMA de New York, du British Museum, du National Museum of Modern Art à Tokyo et Kyoto, du Smithsonian Museum of Asian Art, entre autres.

Plusieurs rétrospectives majeures lui sont consacrées : au Fukui Art Museum (2006), au Museum of Contemporary Art Tokyo (2012), et une première exposition muséale aux États-Unis : Ay-O’s Happy Rainbow Hell au Smithsonian National Museum of Asian Art (2023). En 2024, la Whitestone Gallery de Taipei lui consacre l’exposition Dancing Rainbow, soulignant l’engagement sensoriel et l’intemporalité de son langage chromatique.

Ay-O - Swimmer

Ay-O incarne comme nul autre le “Rainbow Man” : un artiste qui traduit la couleur en expérience, l’arc-en-ciel en espace à vivre. De ses débuts dans les collectifs d’avant-garde japonais à ses installations monumentales, en passant par ses sérigraphies raffinées, il déploie un univers où l’art devient immersion poétique, tactile et communautaire.

À travers ses œuvres arc-en-ciel, Ay-O nous invite à voir, sentir, toucher la couleur, et à redécouvrir le monde comme un continuum vibrant – un véritable manifeste de la lumière sur toile, papier ou monument.

Du fait du renouvellement régulier des gammes et des collections, les liens présentés dans cet article peuvent à tout moment se trouver brisés.